Aux origines du sionisme : les horreurs des pogroms et le nationalisme

October 30, 2023

Ecrit par Kévin Hamelet, Chargé de Mission du département Ecrits pour Le Sergio

C’est en Europe de l’est et en Europe centrale, où s’imbriquent des dizaines et des dizaines de minorités diverses et variées, que se manifesta de la manière la plus violente qui soit ce nationalisme naissant : ainsi, les pogroms contre les juifs se sont-ils drastiquement multipliés tout au long de ce siècle, marquant durablement la conscience juive.

Mais c’est en Occident, plus exactement en France, qu’ eut lieu l’évènement décisif incitant de plus en plus de juifs à réclamer leur Etat propre: l’affaire Dreyfus, théâtre de toutes les pires passions antisémites. Ainsi, le sionisme, l’idée d’un retour des juifs à leur antique Sion (Israël dans la Torah), devint souhaité par bon nombre d’entre eux.

Théodor Herzl, juif magyar né à Budapest en 1860 (qui était alors l’une des villes avec le plus fort taux de juifs en Europe, au point d’être surnommée injurieusement « Judapest »), jeune avocat de profession qui confia lui-même ne pas avoir été attiré par le sionisme jusqu’au moment de l’affaire Dreyfus, se mit-il en tête d’organiser efficacement le mouvement afin de faire valoir ses idées : à Bâle, du 29 au 31 aout 1897 se tint ainsi le premier congrès sioniste pendant lequel furent posés les jalons du mouvement qui devait dès lors se réunir à intervalles réguliers.

Herzl, toutefois, mourut prématurément en 1904 à l’âge de 44 ans et ne vit jamais les fruits de ses efforts ; mais son action acharnée permit aux sionistes de se faire entendre en s’organisant et en formant un projet commun cohérent et, alors que les Britanniques étaient engagés dans le Moyen-Orient contre l’Empire ottoman lors de la première guerre mondiale, le 2 novembre 1917 le secrétaire d’Etat britanniques aux affaires étrangères rédigea la déclaration de Balfour au baron Rothschild, éminent membre de la haute société londonienne et fervent soutien de la cause sioniste, par laquelle il annonça que le gouvernement soutiendrait la création d’un Etat des juifs en Palestine, comme souhaité ardemment par les sionistes.

Ce qui ne manqua pas de décontenancer les alliés arabes et bédouins du Royaume-Uni lors de cette première guerre mondiale, eux qui les avaient aidés à fomenter une révolte nationale contre l’Empire ottoman avec la promesse en échange de l’ouverture d’un nouveau front de garantir la création d’un Etat rassemblant tous les Arabes de la péninsule…

Annexe 1.

Stefan Zweig, en 1942, dans le Monde d’hier parla ainsi de Herzl qu’il connut personnellement : « Un jour que nous abordions le sujet, je lui avouai franchement mon insatisfaction du manque de discipline dans les rangs de ses partisans. Il sourit avec un peu d’amertume et me dit : « N’oubliez pas que nous sommes habitués depuis des siècles à jouer avec les problèmes, à nous quereller pour des idées. Il est évident que depuis deux mille ans nous, Juifs, n’avons aucune expérience historique de ce que cela signifie d’introduire quelque chose de réel dans le monde. Il faut d’abord apprendre ce qu’est le don de soi inconditionnel et moi-même je ne l’ai pas encore appris, puisque je continue, par intermittence, à écrire des articles pour le feuilleton, que je suis toujours rédacteur du feuilleton de la Neue Freie Press alors que mon devoir serait de n’avoir aucune autre pensée que cette unique pensée, de ne pas coucher sur le papier la moindre ligne consacrée à autre chose. Mais j’ai déjà entrepris de me corriger sur ce point, je veux commencer par apprendre moi-même le don de soi inconditionnel et peut-être que les autres apprendront avec moi. », p.155-156

Annexe 2.

Lettre du secrétaire d’Etat britannique aux affaires étrangères au baron de Rothschild.